En Immersion, le voyage immersif en terres méconnues

Comme beaucoup d’entre nous, Loïc a hérité d’une certaine culture télévisuelle. Deux émissions de voyage ont profondément marqué sa jeunesse : J’irai dormir chez vous et Rendez-vous en terre inconnue. Des voyages d’abord vécus par procuration, qui l’ont amené à voyager autrement, à sortir des sentiers battus. Il est vrai que ces images hautes en couleurs inspirent les explorateurs en herbe et redonnent de l’espoir en la nature humaine. Des reportages du bout du monde, à la rencontre d’hommes et de femmes qui bousculent nos habitudes conditionnées et nos itinéraires balisés. Qui n’a jamais eu envie de partir en visionnant les aventures de Frédéric Lopez ?

Loïc aime les belles images. Il n’a pas hésité à quitter son travail pour se former aux Gobelins et mettre en œuvre son ambitieux projet intitulé : En Immersion. À la manière d’Antoine de Maximy, caméra au poing, il s’en est allé sur les routes de France pour rencontrer les habitants de nos territoires les plus reculés avec pour objectif de vous donner envie de partir tout de suite. Bienvenue dans le monde du tourisme immersif, du voyage responsable à portée de clic


Entrer En Immersion pour voyager différemment 

Vous avez créé En Immersion pour promouvoir des voyages hors des sentiers battus, pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours et votre projet ? 

Originaire de la vallée de l’Hérault et diplômé d’une école de commerce, j’ai commencé ma carrière au sein de grands groupes internationaux : L’Oréal et Johnson & Johnson. Je ne me reconnaissais absolument pas dans les valeurs de ces multinationales. 

Mon grand-oncle était un grand voyageur, il a été ma principale source d’inspiration. J’ai commencé à sillonner la France, ce qui m’a progressivement amené à réaliser l’impact du tourisme de masse. Sortir des sentiers battus était devenu de plus en plus compliqué. Lorsque les touristes se concentrent dans les mêmes lieux, essentiellement dans les villes, l’air devient irrespirable.

Je suis convaincu que le voyage transforme une personne et qu’il est de ce fait nécessaire. Il s’agit de repenser les pratiques touristiques, d’accepter de voyager différemment.

C’est ainsi qu’est née l’idée de voyage hors des sentiers battus et plus précisément de voyage immersif à la rencontre des populations locales en terres méconnues.

Je ne me considère pas entrepreneur. En Immersion est une communauté d’habitants et de voyageurs qui partagent la même vision : faire changer les choses en proposant une nouvelle forme de tourisme expérientiel. Depuis ma démission, je suis allé à la rencontre de centaines d’habitants, accompagné par ma coéquipière Marine. 

Guillaume, initiateur de l’immersion « Bain de forêt dans le Haut-Languedoc »

Limiter les émissions de CO2 liées au voyage

Comment vous déplacez-vous pour rencontrer les habitants ?

Pour partir à la rencontre des habitants, nous avons énormément marché et privilégié, autant que possible, les transports en commun. Pour certaines destinations, nous avons néanmoins opté pour la voiture, du fait de notre matériel vidéo et photo. Nous pratiquons souvent le covoiturage pour limiter l’impact de nos déplacements.

Penser au dernier kilomètre

Puisque nous n’avons aucune valeur ajoutée en ville, la question du mode de déplacement vers des zones isolées est un challenge à relever. C’est une problématique sur laquelle nous travaillons. Le dernier kilomètre est un enjeu lorsque vous allez dans des lieux très reculés, dans nos terroirs, au fin fond de nos territoires

Il faut néanmoins dédramatiser l’usage de la voiture. Prendre sa voiture pour aller de Strasbourg à l’Aubrac, cela pollue beaucoup moins que d’aller à l’autre bout du monde. Je préfère recommander un autotour en Occitanie que d’aller passer une semaine au Sri Lanka ou de faire une croisière dans le Pacifique.

Le tourisme rural génère-t-il des émissions de CO2 supérieures au tourisme urbain ?

Il faut creuser derrière le postulat de dire que le tourisme en ville est moins impactant que le tourisme à la campagne. En effet, 8% des émissions de CO2 sont liées au secteur du tourisme. La moitié est liée au transport, et plus particulièrement à l’avion. Mais il me semble nécessaire d’ajouter à cela les effets de la construction de nouveaux complexes hôteliers, les conséquences liées à la restauration touristique notamment la livraison de nourriture dans les centres urbains ainsi que le gaspillage alimentaire qui représente également une source de pollution. Si certains voyageurs se déplacent vers les villes en train, beaucoup privilégient l’avion. Qui n’est jamais parti en week-end grâce à Ryanair ? Les émissions de CO2 liées aux transports ne représentent qu’une partie des conséquences désastreuses du tourisme de masse. Différentes formes de tourisme coexistent, ce sujet mérite certainement d’être approfondi.

Quelles sont les raisons qui vous poussent à agir pour une nouvelle forme de tourisme : le voyage immersif ?

Agir contre la concentration du tourisme

Le point de départ de ma réflexion repose sur le phénomène de concentration du tourisme. Saviez-vous que 52% des déchets en mer Méditerranée seraient liés au tourisme balnéaire ? Et que 80% des revenus du tourisme en France sont concentrés sur 20% de notre territoire ?

Nous sommes trop influencés par les réseaux sociaux qui nous incitent à fréquenter des lieux toujours plus “instagrammables”.

Les plateformes traditionnelles comme Airbnb et Booking nous interrogent sur les lieux où nous souhaitons aller. Du coup, les recherches se concentrent sur les lieux les plus connus comme les sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco. Finalement, tout le monde se retrouve au même endroit, au même moment.

Susciter des rencontres entre les voyageurs et les habitants

En acceptant de faire des détours, on s’autorise à faire de vraies rencontres, à partager le quotidien d’inconnus. Se donner la possibilité de sortir des sentiers battus et de rencontrer ceux qui font la richesse de ces lieux. Ces éleveurs, ces gastronomes, ces artistes sont des passionnés qui ne demandent qu’à partager leur quotidien. Du fait de leur situation géographique, ils ne peuvent bien souvent pas le faire, ils manquent cruellement de visibilité.

Découvrez Loïc dans cette vidéo réalisée à l’occasion d’une campagne de crowdfunding

Comment sélectionnez-vous vos séjours immersifs ? Allez-vous à la rencontre des habitants ? Sont-ils réceptifs à votre concept ?

En général, l’accueil est très positif. C’est vrai que les Français peuvent avoir mauvaise réputation mais ce n’est pas ce que nous expérimentons sur le terrain. Bien sûr, ils n’ont pas tous envie de s’inscrire dans notre démarche. Parfois, il s’agit d’un manque de place pour accueillir des hôtes, d’un manque de temps ou d’une certaine timidité à partager leur quotidien.

Pour rencontrer des habitants, nous avons eu différentes approches. Nous nous sommes rendus sur place, dans les Cévennes par exemple et le bouche-à-oreille nous a rapidement permis de rencontrer des habitants intéressés par notre projet. Parfois, nous les avons repérés au préalable, sur Airbnb par exemple. Certains n’avaient aucune visibilité, ils étaient noyés sur la plateforme. C’est là que nous pouvons faire la différence.

Au début, nous avons testé le projet avec sept immersions. Le baptême du feu passé, notre plateforme peut à présent se déployer à plus grande échelle.

Nous recrutons actuellement des ambassadeurs locaux, des personnes qui connaissent très bien leur territoire. Il peut s’agir de journalistes, des passionnés proches de la population locale. Ensemble, les ambassadeurs et les habitants vont construire des programmes immersifs inédits.

Comment se déroule une micro-immersion ?

Les habitants qui s’engagent à nos côtés ont envie de partager leur passion avec des voyageurs. Chacun participe à différents niveaux. Cela peut aller d’un apéritif partagé au PMU du village à une journée de randonnée sur les pas de l’ours des Pyrénées en immersion complète. L’objectif est de pouvoir vivre comme un habitant, de se mettre dans sa peau l’espace de quelques heures.

Chaque habitant choisit son niveau d’implication. Bientôt, le voyageur pourra également choisir le niveau d’immersion qu’il souhaite atteindre durant son séjour. Certains ont envie de vivre à 100% leur expérience immersive, d’autres préfèrent se réserver des moments d’intimité, en couple ou en famille.

Avez-vous des destinations incontournables ?

Notre immersion dans l’Aubrac rencontre un grand succès. Il est vrai que nous avons beaucoup communiqué sur la région en créant du contenu vidéo et photo. C’est une région connue pour son aligot, dès que l’on parle de gastronomie, les gourmands sont toujours au rendez-vous.

Il faut surtout souligner que la crise sanitaire a lourdement affecté le secteur de la restauration et les lieux culturels. Nous recherchons actuellement des restaurateurs et des artistes implantés dans des lieux reculés. Le voyage immersif peut les aider à diversifier leur activité, un peu à la manière de l’agritourisme il y a quelques années. Nous voulons leur proposer de générer des revenus complémentaires en partageant leur quotidien avec des voyageurs de passage

La pandémie affecte-t-elle votre activité de voyage immersif ?

Au contraire, nous connaissons un regain d’activité. Les voyageurs recherchent des destinations en France, ce qui met un vrai coup de projecteur sur les acteurs français. De plus en plus de Français recherchent un voyage atypique, un voyage sur mesure loin des circuits organisés, des croisières et du tourisme de masse. Ils veulent se créer un voyage personnalisé à leur image, en dormant chez l’habitant et vivant des expériences insolites sans passer par les plateformes traditionnelles.

Nous avons des personnes qui vivent une immersion en ce moment même. Évidemment, certaines sont désactivées car les conditions hivernales ne le permettent pas. Il s’agit d’une des caractéristiques du tourisme immersif. Nous devons par exemple attendre la fin de l’hibernation pour relancer l’exploration des traces de l’ours dans les Pyrénées. 

En Immersion « Sur les pas de l’ours des Pyrénées »

Nous préparons par ailleurs le lancement d’une nouvelle plateforme, pour faciliter la réservation en ligne. Nous étions en mode startup, il fallait envoyer un email à l’habitant pour réserver, c’était fastidieux et complexe à gérer. Pour aider l’habitant et le voyageur, nous développons une plateforme qui permet de réserver en trois clics. Il y aura de nouveaux filtres de recherches pour donner envie au voyageur d’aller dans des lieux auxquels il ne pense pas de prime abord. Les recherches s’effectueront non pas par lieu mais par envie : immersion culturelle, festive ou encore gourmande, pour ne citer qu’elles.

Je suis admiratif du travail de Stan Gruau, le fondateur d’Explora Project. Il nous incite à faire des expériences différentes, à se dépasser et agir pour un tourisme responsable en partant en expédition et en vivant un séjour expérientiel unique.

➡️ Pour aller plus loin, découvrir le trek photo face aux neiges éternelles du Mont Blanc.

Quels sont les retours de vos clients ?

Nous allons bientôt mettre en ligne des retours d’immersion, mais nous avons fait le choix de renoncer au système de notation, nous sommes contre ce principe. Les commentaires reçus sont tous très positifs. 

Que faites-vous si une agence de voyage vous contacte pour inclure l’une de vos immersions dans ses circuits organisés ?

Nous avons reçu des dizaines de propositions d’agences de voyage en quête de tourisme alternatif. Uniquement 6% des Français qui voyagent en France font appel à des prestataires touristiques. L’offre des voyagistes est donc presque exclusivement tournée vers l’étranger. Ils n’ont pas d’autres choix que de se réinventer pour vendre des séjours en France. Nous nous sommes longuement interrogés. Nous arrivons à travailler sans elles pour l’instant, nous n’avons pas d’intérêt immédiat. Nous pensons qu’il y a une logique de coût derrière les agences de voyages, nous ne nous retrouvons pas dans les principes du tourisme traditionnel. Cette logique ne serait bénéfique ni pour les habitants ni pour les voyageurs. Certes, nous n’avons peut-être pas encore rencontré la bonne agence. La multiplication des commissions entraîne un tarif élevé pour les voyageurs. Un tourisme équitable consiste à appliquer des prix les plus justes possible. Je ne trouverai pas juste qu’une personne paie 200 euros sur notre plateforme et qu’un touriste américain qui passe par une agence paie le double voire le triple.

Comment vous rémunérez-vous ?

Il y a un modèle économique qui sera mis en application avec le lancement de la nouvelle plateforme. Nous sommes un média-plateforme, ce qui signifie que nous créons du contenu pour les habitants, c’est ce qui nous permet de générer des revenus et de prélever une commission plus légère sur la transaction de l’habitant au voyageur. 

Selon vous, le voyage à l’étranger est-il mort ?

Le voyage à l’étranger n’est pas mort. On ne veut pas avoir un discours moralisateur, ce n’est pas notre positionnement. Tout n’est pas tout noir ou tout blanc. Nous souhaitons promouvoir un voyage équitable et solidaire en guidant le voyageur vers des choix responsables. 

Lorsque ce sera possible, je reprendrai l’avion pour visiter d’autres pays.

Il est question de revoir notre façon de le faire, de réinventer notre manière de voyager, en profondeur. 

Il est possible, par exemple, de compenser son trajet en avion ou encore de rester plus longtemps sur place. Pendant son voyage, on peut limiter les vols intérieurs et utiliser des transports terrestres moins polluants. Au lieu de faire trois voyages à l’étranger par an, pourquoi ne pas envisager de partir qu’une seule fois vers une destination lointaine et de privilégier des destinations plus proches le reste du temps ? En faisant le choix de vivre une aventure unique près de chez vous, vous réduisez votre empreinte carbone et vous participez à l’économie locale. Bien entendu, chacun est libre de faire ses propres choix. Comme dans tous les domaines, tout est question d’équilibre. Voyager à l’étranger oui, mais sans excès.

Vous ne parlez pas de tourisme durable. Vous retrouvez-vous dans cette démarche ?

Nous n’utilisons pas trop le mot de tourisme durable car il est galvaudé. Que devons-nous comprendre ? Faut-il prendre son temps ? Installer des panneaux photovoltaïques ? Se déplacer en charrette ?

Mais nous avons des convictions fortes en ce qui concerne l’impact d’un tourisme responsable, respectueux de la planète et des habitants. Nous défendons le voyage équitable et le tourisme de proximité, nous pensons qu’il est possible de voyager à quelques kilomètres de chez soi et de limiter les émissions de CO2.

Il est essentiel d’aller à la rencontre des personnes qui ne bénéficient pas de l’activité touristique, d’assurer une meilleure redistribution des revenus liés au tourisme en France. 

Pour aller plus loin sur la thématique des voyages solidaires, lire cet article du magazine GEO, Qu’est-ce que le tourisme solidaire ?

Avez-vous un message à faire passer aux professionnels qui souhaitent tenter l’aventure du voyage immersif ?

Nous avons chacun un rôle à jouer pour créer le tourisme d’après. Cette nouvelle forme de tourisme doit être en adéquation avec nos valeurs. Il n’est pas question de se travestir pour rentrer dans des cases. J’encourage tous les acteurs du tourisme, et en particulier ceux qui habitent des lieux reculés, à promouvoir leur terroir, à continuer de transmettre leur passion et surtout de permettre aux voyageurs de venir à leur rencontre.

En Immersion est un média qui accompagne les habitants

Nous accompagnons les professionnels du tourisme qui se reconnaissent dans notre position. Par exemple, des propriétaires de chambres d’hôtes qui ont un déficit de visibilité, qui souffrent d’isolement. Leur village est introuvable sur Booking.com, la fréquentation est trop saisonnière, les raisons sont multiples. Souvent, ces acteurs ne savent pas se mettre en valeur sur le Web. Les photos représentent un lit, une salle de bain, sans plus ni moins. Ils habitent au cœur d’un parc national, au milieu des lacs et des montagnes ou au pied d’un volcan d’Auvergne mais ils négligent leur environnement, les paysages magnifiques qui les entourent. C’est pourtant cela qui intéresse les voyageurs aujourd’hui, la passion des habitants pour leur région et les trésors de la nature.

Nous valorisons les territoires et les communautés locales. Nous voulons donner de l’inspiration aux voyageurs, un peu à la manière des émissions télévisées. La vidéo est notre axe de travail principal. Grâce à l’image, nous allons donner la parole aux habitants avec de courtes vidéos de 4-5 minutes pour donner envie de partir en immersion. Nous vous donnons rendez-vous en terres méconnues. Nous allons donner envie aux spectateurs de partir. Pour voyager responsable, il suffira ensuite de réserver en trois clics pour passer du rêve à la réalité


Lire les autres entretiens du Tourisme d’Après :

➡️ Green Go, l’alternative responsable à Booking et Airbnb

➡️ Slow Break, le week-end à impact positif

➡️ Ethik Hotels, l’annuaire mondial des hôtels écoresponsables

➡️ La fin du voyage ? Faim du tourisme et fin du monde


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Publié par bonjourgreen

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